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    Impressionnez-moi

     

    Je vais peindre aujourd'hui, la lumière est superbe. Je cherche mes mots, mon cher, car c'est bien à partir de cet instant que le monde s'est impressionné. A cause de ce tableau aux reflets impressionnants. Le monde des formes. Parfois la couleur étalée sur la toile est plus importante que la peinture elle-même. La façon dont vous lancez votre pinceau. Avec un couteau, cette sensation est encore plus intense : vous modelez, vous projetez, vous étalez, vous écaillez, vous éclatez la pâte huileuse sur le grain poreux. De vos entrailles à la main, c'est le même souffle qui respire. Le ciel d'orage n'exprime pas davantage d'énergie qu'à ce moment-là où votre corps disparaît tout entier dans la toile qui vous absorbe. Vous vous aplatissez contre les griffes de sa trame. Et le vent qui précède l’éclair vous arrache des cris de douleur. Votre paume exhale les parfums de la terre à tant compresser les couleurs. Ce n'est pas seulement l'espace que vous comprimez sur votre palette mais le temps aussi. Il m'est arrivé de laisser fondre des pastilles blanches sous ma langue. Cette sensation effrayante de briser le temps, de devenir le temps. Ce point de lumière qui éclaire tout à coup un visage et que vous avez placé bien haut sur les pommettes. Donnez-moi la peinture. Que diable tout cela. Vous entendez, c'est l'orage qui revient. Sortons, je veux la pluie je veux cette énergie monstrueuse, que la terre éclate sur nos têtes, que nos pas craquent prodigieusement. Que nous soyons impressionnés avant le retour des étoiles.

     


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  • Le temps qui passe

     

     

     

     

     

     

     

     

    Yvonne,
    Pourquoi m'as-tu adressé toutes ces lettres ? Tu as attendu trop longtemps. Depuis ton départ je me suis grisé à tant d'autres vies, à tant de goulots, aux enfers aussi. Le temps a passé. Il fallait bien passer le temps, ce faux guérisseur, rompre les espaces éternels. Comment pourrais-je aujourd'hui écouter tes lettres ? Entendre le bruit froissé de leur papier entre mes doigts qui tremblent.  Ecoute mon cœur, il se brise, il est en verre blanc. Ne me donne plus à lire tes lettres, elles me font trop mal aux yeux, aux joues, à la bouche, aux tripes, aux genoux, mes pieds fuient sur le sol qui se dérobe. Cette dernière rue où nous avons marché main dans la main, ce dernier matin où nous avons perdu notre langage. Oh Yvonne, qu'avons-nous fait de nos vies l'un sans l'autre ? Le jardin est dévasté, tu ne le reconnaîtrais plus. Tes lettres me sont venues trop tard. Et je suppose que tu ne m'en écriras plus maintenant, trop d'étoiles ont cessé de briller depuis ton départ. Dis-moi. Ma voix s'est éteinte. Je t'ai perdue, mon âme est perdue. J'ai peur.

    Ton vieil époux

    Ps Je prie pour que tu reviennes, ne serait-ce qu'un jour...

    d'après Malcolm Lowry - Au dessous du volcan


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  • La liberté et la mort ? La liberté et la mort

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je ne comprends pas. Mon père est italien, rital comme ils disent. Ma mère était de la Yaute, entendez la Haute-Savoie. Qu'est-ce qui m'entraînait sur les routes de Grèce, avec Alexandre en cortège dionysiaque ? J'aurais dû préférer la divine Italie et ses Roméo.

    « Ce pays imaginaire te relie à ta mère, » me susurrait un ami psychologue, qui me faisait penser, avec sa silhouette tremblotante, son front dégarni et ses mains baladeuses, à Woody Allen. Je doutais de ses propos. Quelle idée saugrenue et pourtant.

    Pourtant. Bien plus tard, j'appris l'impossible : mon grand-père maternel, Joseph, le Haut-savoyard, du temps de la grande guerre, avait connu les montagnes de Macédoine et même y avait été blessé de guerre. Quoi, c'était donc ça mon hystérie alexandrine, pardon mon obsession ?

    Assez de ces souvenirs antiques, regardons le présent. Kazantzákis, La liberté ou la mort. J'avais choisi de relire Nikos le Crétois, sur cette place d'Heraklion. J'avais choisi la liberté, quand un Grec me murmura dans son superbe accent :  « La liberté ET la mort. » Je regardais la couverture de mon livre. Les traducteurs prennent parfois de telle liberté !

    Je m'abandonnais à la Grèce, pardon à un Grec, pour lutter contre l'abandon.

     


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    Nous sommes des héros.

    C'est ainsi.

    Nous le sommes pour l'éternité.

    C'est ce qu'ils disent, chantent, écrivent, dessinent, animent.

    L'avons-nous été ?

    Quels dieux nous a bercés ?

    Quelle utopie nous a élevés ?

    Quelle folie humaine nous a guidés ?

    Que nous importe

    Nous mourons insatisfaits

    Bercés par la mélancolie

    Elevés par l'oubli

    Guidés par l'ivresse

    Et nous baignons dans l'Enfer

    Qu'aurait-on à faire d'un paradis ?

    L'Elysée est divin.

    Nous ne sommes pas divins.

    Nous sommes mortels pour l'éternité.

     


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    Recueil de poésies écrit de mars à juillet 2020, une longue histoire qui débute le 30 septembre 1977 par une rencontre à Lyon.
    77 huitains de Robert auxquels répond Corinne.

     

     

     

     

    Ici l’écho répète moins qu’il ne crée comme si,
    Enfin, le monde répondait.
    Les auteurs s’accordent,
    En recueil depuis leur caverne,
    Une mise en état de poésie,
    Un pas double sans jamais se toucher.
    Au bord de la source des échos improvisent,
    S'apprivoisent, liens invisibles.

    Robert Alexis, auteur de 12 livres, romans et recueil de nouvelles : éditeur José Corti La Robe, La Véranda, Flowerbone, Les Figures, U-Boot, Nora, Mammon, Les Contes d'Orsanne, éditeur Le Tripode L’homme qui s’aime, Le Majestic, éditeur PhB Editions L'Eau-forte, éditeur Quidam Le Renvers.
    Voici son 13e livre, son premier recueil de poésie.

    Corinne Jeanson-Valleggia, auteur d'une pièce de théâtre diffusée sur France Culture, Yanina ou le retour d'Alexandre le Grand, Les 100 derniers jours, Rendez-vous après la fin du monde, collectif d'auteurs chez Zonaire.

    Illustration de couverture, Combat du petit renard et du lynx, Delphine Gigoux-Martin©
     

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