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Petite soeur, entraîne-moi
dans ton noir désir
je suis un homme pressé
tu le sais
aux quatre coins du lit
le vent nous porterale calice est à moitié plein
viens le boire à nos amours
infertiles et superbes
buvons à ce terrestre moment
soyons gais
dévorons les miettes du monde
en déclin
je traverse le temps
sans références, irrévérencieux
je suis à tes pieds
asservi à ta loi
moins politique, moins médiatique
mais tes faveurs valent les huit et demi milliards
de mon crédit en bourse
je peindrai sur ma toile
la peau rosie de tous tes seins
et la lune de tes yeux affamés
les critiques crieront à l'imposture
impressions primitives
des couleurs trop cruesmoi je suis riche de tes sciences
je n'irai pas vite, je n'irai pas vite
je suis un homme pressé
mais le soleil ne se lèvera pas
il nous laissera la nuit
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Faussaire
Je viens de l'au-delà
Et toute joie
Est en ce jour un aiguillon
De l'extase
Encore quelques temps
Et une fois délivrée
Je me dresse, enivrée
Dans le sein de l'Amour
La vie infinie
Coule puissamment en moi
Je regarde d'en bas
Vers toi en haut
Près de l'astre opale
S'illumine ton éclat
Une madeleine apporte
L'épineuse couronne
O ! je t'aspire, mon bien-Aimé
Avec force vers toi
Que tu t'endormes
Et que je puisse t'aimer
Je sens de la vie
Le flux rajeunissant
Mon sang se change
En baume et en éther
Je vis des jours
Emplis de ma foi et de ta force
Et je renais pendant les nuits
Dans ton embrasement sacré.
Original romantique
Je vais vers l'au-delà,
Et toute peine
Sera un jour un aiguillon
De l'extase.
Encore quelques temps
Et une fois délivré,
Je gis, enivré
Dans le sein de l'Amour.
La vie infinie
Coule puissamment en moi.
Je regarde d'en haut
Vers toi en bas.
Près de ce tertre
S'éteint ton éclat -
Une ombre apporte
La fraîche couronne
O ! aspire-moi, Bien-Aimée,
Avec force vers toi,
Que je m'endorme
Et puisse aimer.
Je sens de la mort
Le flux rajeunissant.
Mon sang se change
En baume et en éther.
Je vis des jours
Pleins de foi et de courage
Et je meurs pendant les nuits
Dans un embrasement sacré.Novalis
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A un moment de leur conversation -qui était plus un monologue, seul ou presque Assane parlait- Ava enchanteresse continuait à boire pour couler dans le désenchantement, elle désigna la paroi de verre qui séparait les deux salles et sur laquelle était incrustée l'image d'un voilier. « Vous voyez cette vitre, elle se fendille et le bateau disparaît. Pas de naufrage, il a disparu dans les entrelacs du fendillement. C'est comme ça. » A ce moment, elle se leva pour partir. Il ne pouvait pas la quitter ainsi, il savait pourtant que tout cela finirait mal mais il la suivit.
Dans le pub, il avait beaucoup parlé de lui, de son enfance, de sa mère, Djamila, et de son père, Edmond, ancien militaire français qui avait épousé une Berbère. De retour en France, son père avait quitté l'armée. Qu'avait-il à faire dans une caserne, sans le sable et le soleil, avec les murs ? Il avait préféré quitter tout cela, les ordres inutiles, les soldats désœuvrés. Pour fuir le temps, il passait ses nuits à jouer au poker jusqu'au jour où -Assane avait alors onze ans- il perdit tout et abandonna son épouse et son fils pour oublier, effacer. Il avait fallu survivre. Assane se souvenait avoir porté pour quelques francs des pots de chrysanthème sans parfum dans les allées des cimetières. Il suivait les vieilles qui avaient assez de vie pour porter à leurs morts la mémoire des vivants mais pas assez de mémoire pour se souvenir de l'emplacement des tombes. Assane ployait derrière elles, retenant, dans le froid de novembre, entre ses bras de gamin, les pots encombrants. Djamila, sa mère, avait des dons de voyance, dans les jours les plus difficiles elle vendait ses services aux voisines reconnaissantes. Elle lisait dans les visages, elle sentait les présences, les forces du mal et du bien. Ses présages impressionnaient.
Ava insensiblement se réchauffait au contact d'Assane, son histoire lui plaisait, elle se laissait glisser dans ses souvenirs, retrouvant par ce détour les siens propres et respirant à nouveau au cœur d'elle-même. A un moment, Assane qui se croyait vainqueur, voulut saisir l'odeur de son cou, c'est là qu'elle parla de la vitre au voilier et s'était levée sans brusquerie mais décidée. Il n'était pas question de ça entre eux. Elle avait cru un instant à sa sympathie et elle se moqua de l'orgueil qui la rendait naïve.suite
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Assane rejoindrait Paris dès demain pour reprendre son entraînement. Dans trois mois, il devrait ravir son titre mondial de boxe au noir américain Jack Daids. Lui, le noir arabe, né sur le bateau en 62 entre Alger et Marseille. Tout le jour il avait regardé le soleil en face pour se prouver que cette victoire il la mériterait et ce soir il voyait Ava plonger son âme dans la nuit. Une vague relation brisa le silence. Un jeune homme vieillissant, affadi, s'avançait à leur table. Ava se pencha pour saluer l'indésirable, Assane découvrit la dentelle noire de son bustier de soie, il roula une cigarette qu'il n'alluma pas. C'était l'entrée de l'enfer. Le jeune homme s'éloigna aussi vite qu'il était apparu, jalousant Assane d'avoir pu grimper jusqu'à l'autel de l'impérieuse Ava.
Quand Assane lui serra la main pour la saluer, il ne put s'empêcher de regarder la paume de sa main. « Qu'avez-vous lu ? » Il restait silencieux. «Votre destin», finit-il par avouer. C'était suffisant, elle ne voulait pas savoir. Il se mit à parler beaucoup, se rapprochant d'elle à cause du bruit et pour son parfum. Elle l'écoutait grave, fixant la fumée autour, les allées et venues. Elle attendait toujours. Elle ne savait pas si Assane était son genre d'homme. En réalité, aucun homme cette nuit n'était son type. Elle avait oublié. En tout cas, elle était là, vide et débarrassée. Elle ne tenait aucun raisonnement sur la vie, aucune stratégie. Elle se contentait de dire : « C'est comme ça. » Délestée, elle était actrice du cinéma muet au siècle des images en couleurs et elle s'en fichait éperdument. Elle aurait pu se tenir à cette heure dans une arène espagnole et ne pas craindre le taureau furieux. Sa transparence aurait été sa meilleure défense. Au milieu de l'effusion active de l'assistance, elle se tenait en atome compact, prête à succomber à l'impact de sa propre attraction. Sa vie était suspendue. Les anciens suspendaient les lampes à huile sous les toits noircis. A l'inverse, la lampe de sa vie se consumait sans rayon, sans chaleur. Elle voulait poursuivre jusqu'à l'ultime non-retour.
à suivre
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Ava ne leva pas les yeux quand il s'assit à sa table, sous le prétexte que la salle était bondée. Elle eut un simple mouvement des sourcils et sa main souleva en hâte le verre blond. « Puis-je m'asseoir à votre table ? » Il était déjà assis. Courtoise par indifférence, elle acquiesça. Elle fumait et buvait dans le noir, tirant sa robe bleue qui remontait au-dessus de ses genoux gainés de noir. Sa main tremblait quand elle goûtait son whisky mais ce n'était pas parce qu'elle avait trop bu. L'habitude. Elle était blonde et pâle, lèvres et ongles rubis, virant à l'anthracite sous les reflets cuivre du pub. Son regard était perdu.
Née coupable, elle noyait son désarroi, droite et superbe, fière malgré son enlisement fatal. Plus tard, elle lui jetterait que les démons ne l'effrayaient pas, qu'elle en jouait. Et puisqu'il fallait bien prendre un amant, elle se laisserait prendre par le diable. Elle parlait en roulant la langue sur ses dents blanches et l'on entendait le souffle diabolique siffler dans sa bouche. Dans le même temps, elle cachait ses larmes. Faible elle ne se voulait pas.Assane, le berbère, était noir face à cette blancheur de peau, sauvage, irréductible. Ava était là à attendre l'homme qui la réduirait en cendre. Elle passait son temps à se tremper dans la forge et Merlin en aurait retiré l'épée des rois. Elle se dressait terrifiante avec les autres, terrible avec elle-même. A ce moment, Assane aurait voulu courir avec elle dans les vagues de minuit, sur les plages de son pays, là où l'Europe n'est qu'une légende ou une guerre.
à suivre
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