• L'homme avoue ses fautes
    La bête avoue sa tendresse
    Confession si sotte


    votre commentaire
  • La dame est chagrin
    Sa voix se perd en écho
    Elle se grise en vin
    ----------------------------
    Au seuil de la mer
    Son visage se dissout
    En grains de pierre


    votre commentaire

  • votre commentaire
  • - Vous avez l'angle parfait. Permettez, Thomas Masson, photographe.
    Un homme à l'âge indéfini, grand sans l'être tout à fait, vêtu sans élégance mais sans négligence non plus s'était approché de ma table et me tendait la main. Il portait un appareil photo en bandoulière, signe évident qu'il pouvait être photographe.
    - Je ne voudrais pas vous importuner, je réalise une série de photographies sur le thème de la nuque. La nuque des hommes pour être plus précis. Et votre nuque correspond par excellence à la perfection que je cherche.
    Il s'était assis en face de moi et le garçon, pour une fois prompt, avait déjà pris sa commande sans que j'ai pu prononcer un mot. Je balbutiais :
    - Marc Grivel, de passage dans votre ville.
    Cette présentation absurde ajouta au malaise qui m'envahissait depuis le matin. Je passais ma main dans mes cheveux, histoire de vérifier que tout allait bien.
    - Oui, c'est cela. Vous sentez l'angle sous vos doigts ? Un grand angle. C'est tout à fait cela. Je ne voudrais pas abuser de votre temps, mon studio est tout à côté je pourrais vous montrer mes contacts. Accordez-moi une demi-heure pour vous prendre la nuque dans mon objectif.
    Il avait balbutié sa demande avec maladresse, ce qui me toucha, je crois. Avais-je opiné de la tête ? Avais-je esquissé un sourire d'acquiescement ? Je me retrouvais dans une ruelle marchant derrière cet homme pressant et déterminé. Sa voix douce, sa démarche effleurée ne laissaient en rien supposer son autorité. Ce devait donc être plutôt mon naturel curieux, ma complaisance et ma capacité caméléon à me fondre dans le désir de l'autre -le désir de l'autre, j'effaçais depuis l'aube ma dernière nuit. A peine le porche franchi d'un immeuble ancien, la volée d'escaliers, il ouvrait sa porte et je découvrais une grande pièce lumineuse, encombrée de livres empilés sur des bibliothèques improvisées, des magazines de photo, des plantes vertes exubérantes. Les larges fenêtres donnaient sur le fleuve. Il m'indiqua une autre pièce drapée de longs rideaux noirs, son studio, à en croire les parapluies blancs disposés sur une estrade.
    - Voici.

    Il ouvrit un dossier d'où s'échappa des planches contact, en noir et blanc, par six, des rangées de nuques. Des nuques d'hommes, jeunes, vieux, vacillantes, tranchées, aplaties, proéminentes, altières, tendues, affaissées, arrogantes. Prises deux par deux : une de dos, une de profil. Aucune gorge, aucun visage de face, aucun regard.

    - Vous cherchez la couronne ?
    Cela m'avait échappé. Je n'ai jamais cru aux chakras et à toutes ces fumantes croyances orientalistes. Une amie avait bien tenté de m'y convertir mais à part ses caresses de ma nuque à mes talons, je n'avais rien retenu à tout ce que je considérais comme de pures fadaises.

    - Je cherche, un équilibre. La courbure de la nuque en arcade avec l'os occipital me fascine. La vôtre avec sa ligne saillante est une perfection. Vous sentez, l'atlas, là.
    Sa voix tremblait, il cherchait ses mots. Je voyais poindre une rougeur à ses joues, une perle à son front. Jusqu'à son souffle qui s'accélérait. Il pointait sa paume sur ma nuque, comme pour la soutenir, mais il ne m'effleura pas, comme si une invisible auréole lui interdisait de toucher mon crâne. Je repensais à ma dernière conquête qui nouait ses mains à ma nuque pour mourir de volupté dans nos reins liés. Etait-ce donc cela ? J'aimais sa nuque penchée toute incrustée de son odeur d'amour. En cet instant je me souvenais de ma bacchante et du poète qui l'avait si bien chantée. Je craignai tout à coup, face à cet homme inconnu, de devenir Penthée et de mourir tel un animal. Je fis un pas en avant pour attraper les contacts qui s'échappaient de leur écrin. Je regardais le profil de mon hôte et me moquais de mes égarements : cet homme-là n'avait rien du mâle dominant, il n'allait certainement pas me... quoi au juste, me manger, me séduire, me désirer ?
    - Vous n'avez photographié que des nuques d'homme.
    - Oui, avec ma précédente série je m'étais laisser absorber par les chevilles de femmes. Mais je cherche des géométries plus pures. N'étais-je pas sot, j'ai réalisé très récemment que je cherchais le siège de l'âme. Il est vrai que toutes les nuques n'ont pas cette puissance évocatrice. Voyez-vous, comment dirais-je, rares sont les nuques qui offrent tout à la fois puissance, mélancolie et rêverie. Même les regards n'ont pas ce souffle. Ce n'est sans doute pas pour rien que les Orientaux y voient le siège de ce que nous appelons âme. Vous avez raison, la couronne. Si j'étais astronome, je photographierai la couronne boréale, mais je n'ai pas les instruments qui conviennent.
    Je l'écoutais. Sans l'écouter tout à fait. Je sirotais son whisky -mon hôte avait bon goût même dans son choix de whisky. Ma nuit dernière réapparaissait. J'avais invitée une femme inconnue chez moi. Pour un scénario à ma manière. Elle était entrée, nue sous son manteau, mon appartement était sombre, elle ne pouvait pas me voir. Je n'avais pas prononcé un mot. Je lui avais bandé les yeux avec une écharpe en soie et je l'avais guidée dans ma chambre. Ce qui s'en suivit. Je m'étais longuement attardé sur son corps, sur ses parties les plus secrètes, emplies de suaves fluides. Je l'avais accroupie pour qu'elle me rende mes caresses. Et, quand mon sexe bien droit, bien échauffé, avait été prêt à la prendre, je l'avais retournée pour l'enculer, doucement puis profondément, intensément, absolument. Je l'avais possédée ou bien était-ce elle qui m'avait rendu possédé ?
    J'avais ôté son bandeau. Elle avait tendu son regard vers le mien. Je n'avais pas pu m'en détourner. Je ne sais pas ce que je vis. Je sais que je ne vis pas de désespoir, je sais que je ne vis pas de tendresse, je sais que je ne vis pas d'arrogance, encore moins de la peur ou de la colère. Je ne vis pas de la jouissance. Encore moins de l'amour. Ou bien. Non, je ne voyais pas le monde, ses collines, ses monts enneigés, ses fleuves, ses océans. J'ai vu au lointain. Son regard ne me regardait pas, il regardait au-dedans de moi. A cet instant, je la désirais, je désirais son désir.
    Tout en parlant, j'avais perdu le fil de la conversation, Thomas ne cessait de toucher son côté gauche, il frottait ses côtes. Je songeais à la bible, à Adam. Je pensais à mon pénis qui avait plongé dans le vagin liquide de cette inconnue. Elle avait noué ses mains à ma nuque, elle avait relié ses pieds à mes reins, elle avait soulevé tout son corps en apesanteur contre le mien. Je n'avais plus rien ressenti, je n'avais pas joui avec mon corps, j'avais été aspiré, j'avais été baignant dans un océan de béatitude qui m'avait achevé, sorti de moi.
    - Acceptez-vous de dégrafer votre chemise ? Votre col m'empêcherait de saisir vos courbes.
    Le matin au petit jour, elle s'en était allée, sans un mot, j'avais stupidement déclaré : « On reste en contact ? » J'avais quitté ma ville précipitamment, pour me retirer d'elle, de ce que j'avais découvert, de ce que je ne voulais pas découvrir. Et je me retrouvais, là, avec un photographe parfait inconnu qui dévisageait ma nuque et mon occiput.

     

    (en cours d'écriture)

    votre commentaire
  • Les lendemains flottent avec leur goût d'hier.
    On vous dit, vivez le présent, ne pensez pas à l'avenir.
    Très bien, je panse les cicatrices en creux.
    Je repasse le film, avec ses séquences en couleur.
    En boucle, pour filtrer le temps.
    J'entends les sons, le train, au sortir du tunnel, se hâte vers d'autres villes.
    La lune se suspend de toute sa rondeur, écarte les étoiles à sa lueur.
    Un nuage passe.

    Il fait nuit. Noire. Le monde est en crise.
    Les continents se dérivent.
    Les peuples relèvent la tête au-dessus des canopées.
    Même debout, pas facile de tenir droit.
    Je bascule par-dessus le zinc du toit.
    Juste pour voir plus bas le bord du caniveau.
    Rien de nouveau.


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires