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Ecoutez la force du poète... Vingt ans d'absence, Ulysse revient Pénélope le voit et ne le reconnait pas, ou plutôt elle refuse de le reconnaître. ce n'est pas qu'elle doute de l'image, qu'il soit mendiant ou habillé en roi, elle sait bien qu'Ulysse se tient devant elle, sa conscience n'est pas troublée, ce qu'elle cherche à voir et à entendre, ce n'est pas la réalité d'Ulysse entrant dans le palais, ce n'est pas les mots qu'il prononce : "je suis Ulysse, le roi d'Ithaque, ton époux, le père de Télémaque, le fils de Laërte." ce qu'elle cherche à éprouver, est-ce bien celui-là qui l'a aimée, est-ce bien le même ? Elle cherche à retrouver le lien qui les a unis dans le passé lointain. Vingt ans ont passé, Ulysse est nécessairement différent. Elle attend un signe qui dirait : "Oui, je suis Ulysse, je reviens chez moi." Elle met à l'épreuve Ulysse pour obtenir la preuve qu'il est bien revenu, qu'il lui est bien revenu. Il suffit d'un lit, attaché aux racines d'un olivier pour qu'Ulysse enfin prononce l'aveu de son retour : "je suis ici, maintenant, revenu." La nuit peut les lier de nouveau, amants aimants, comme jadis. La patience de Pénélope, comme les racines de l'olivier.
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Histoire de tous les jours
Ce matin, la présidente m'a téléphoné. Elle avait une drôle de voix la présidente. La directrice était dans son bureau, porte grande ouverte. Ce matin, quand j’étais arrivée au bureau, elle m'avait demandé si je voulais un café. Un mois plus tôt on m’avait annoncé que mon cdd serait reconduit en cdi, à temps partiel, on pourra pas faire plus, on ne peut pas le prolonger en cdd, on n’a pas le droit.Ce matin, la présidente m'a annoncé par téléphone que mon cdd n'était pas reconduit. Non, non, il ne faut pas que je m'insurge contre la directrice qui ne m'a pas prévenue. C'est à elle, la présidente de m'annoncer que mon contrat s'arrête aujourd'hui, mais que je ne m'inquiète pas mes heures supplémentaires me seront payées, enfin, comme j'étais à temps partiel, mes heures complémentaires me seront payées, et mes congés aussi. Ah oui, je suis en cae donc je n’ai pas droit à la prime de précarité. La présidente est bien désolée, mais les chiffres du bilan sont mauvais, l'association n'est pas en mesure de s'engager sur le long terme, surtout que bientôt l'aide de l'État ne sera pas reconduite pour mon poste, et il y a ce jugement aux prudhommes qui risque encore de plomber la trésorerie de l’association. J'ai raccroché. Mon écran d'ordinateur m'a fait un clin d'œil. La directrice n'a pas bronché.Il a fallu que je me lève, que je me dirige vers le bureau de la directrice pour l'entendre se déverser en excuses, mais c'était pire, sa voix fluette, son visage de souris étaient encore pire que son silence. J'ai annoncé la nouvelle à mes collègues. Ils étaient atterrés, enfin ceux qui n'étaient pas encore informés. J'ai fini de remplir ma feuille de présence, j'ai classé mes derniers papiers. J'ai réuni les dossiers en cours, j'ai répondu à mes derniers mails, ceux de mes collègues des autres sites, quelle est cette rumeur, que se passe-t-il ? Il ne se passe rien, mon cdd se termine, je quitte l'association. J'ai détaché de mon porte-clé les clés du bureau. J'ai déposé mes dossiers et mes clés dans le bureau de la directrice. N'y a-t-il pas des choses à prévoir pour la fin de mon contrat, m'a-t-elle demandé ? J'aurais sans doute dû lui dicter ce qu'elle avait à faire quand un salarié quitte son emploi ? Elle m'a remerciée pour tout ce que j'avais apporté à l'association depuis un an, tous les outils que j'avais créés et qui serviront longtemps à l'association. J'aurais dû la remercier pour ses félicitations, sincères, a-t-elle précisé.Ah oui, l'association travaille dans le champ social, plus exactement dans la lutte contre l'illettrisme et contre les discriminations. Elle reçoit des subventions de l'Europe, de l'État et des collectivités territoriales. Cette association est mandatée pour conseiller, évaluer, former les professionnels, les bénévoles, les fonctionnaires de l'État et des services connexes qui reçoivent des personnes en situation d'illettrisme -on ne dit pas illettrés, c'est trop discriminant.Je me suis retrouvée dans la rue, il y avait une affiche du Front National collée sur un poteau. J'ai appelé mes potes du NPA pour qu'ils recouvrent l'affiche. Je suis allée boire un café chaud à la Bastille, un des cafés de la ville, juste un nom nostalgique. Il faisait si beau, je suis restée en terrasse et j'ai feuilleté les journaux. Mélenchon frise les 14% dans les sondages. J'ai oublié qu'avant d'être nommée directrice de l'association, la directrice était coach pour les chômeurs du pôle emploi. J'ai oublié que la présidente de l’association était retraitée et socialiste. Au second tour, je risque de m'abstenir. Ça ira, ça ira, j'ai bu mon café à la Bastille.
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La complainte de Pessoa, sa supplique quand il rêve la vie
et qu'il nous en convainc avec ses mots au bord des larmes,
avec ses mots d'émotion étranglée.
Les jours disjoints.
Je caresse le désespoir de ces pages du plat de la main.
Les doigts à demi écartés, soulevés et tremblants.
Goûtant à cette incestueuse découverte.
Les jours fruitiers.
Sans écart entre la fluidité de l'air des choses
et les sensations bourdonnantes du dedans.
Les jours électriques.
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L’été sur une île bleue
La voix du vent file dans les ruelles,
Chasse la poussière,
Nous colle l’un à l’autre.
A l’unisson nous oublions le monde
Sous son rempart tourbillonnant.
La colonne de marbre épouse
Le tumulte de la baie gémissante.
Les barques tentent d’échapper
Au souffle qui murmure à l’amour.
Dans ce pays glorieux qui sent les pins
Essoufflés de chaleur, hantés par les cigales,
Nos empreintes s’accordent
Sur les plages jaunes
Qui entrecroisent
Passé, présent, avenir
Quand passent le vieil homme et son âne
Près de nos corps jeunes et nus.
Dans le battement des jours païens
Le vent courbe nos rires
Et pour l’impressionner tu fronces ton sourcil
Nous rions plus fort
Sous les oliviers bruissants
Quand les cigales chanteuses le soir venu
Se sont tues.
Vêtu de blanc en sandales rouges
Aux ailes invisibles et démarche de félin,
Tu oscilles, jeune chat dans le jour chaud,
Fauve endormi au soupir de la lune.
Dans la chambre flotte
L’odeur suave de l’amour
Tes mains tremblantes ont le pouvoir infini
De couvrir mon corps de perles
Sur ma joue se balance ta tresse brune
Tu suces mes doigts effarouchés
et ta main gravit mon corps.
Le vent suspend sa course
et invente l’arc-en-ciel.
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Je parle de toi sans te connaître
Je t'écris sans voir
Ton regard posé sur moi
Je parle d'amour sans savoir
Si nous nous sommes jamais aimées.
Ma main tendue ne t'atteindra jamais
Et mes jambes ne me porteront jamais
Jusqu'à tes bras.
Tu ne reviendras jamais
Ce jamais qui grandit
M'ensorcelle.
Je n'ai plus ma raison
Parce que ta mort n'est pas raisonnable.
Les mots sont brouillés
Ils s'effacent tout doucement
Ils s'effacent au mépris de ma mémoire.
La vie grandit dans les jours qui passent
Et m'éloigne à jamais de ton souvenir.
Une photo et la mémoire des autres
Voilà ce que je garde de toi.
Partout, dans la bouche, les yeux, les gestes,
Mon corps qui se tord,
Partout le souvenir de toi
Crie en moi
Et le deuil ne vient pas.
A ma mère morte.
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