• Van Gogh ceci n'est pas un auto-portrait

    Les non-communiquants
    Van Gogh.
    Présence à Arles.
     
    Dans la lumière
    le vent, les ténèbres
    du secret de l'ami
    solitaire jusqu'à la douleur.

    La douleur tranchante de la lame
    la solitude comme le tranchant de la lame
    de douleur.

    Le murmure des vents
    le murmure des foules.
    Et celui, plus tenace
    terrible et torturant,
    le murmure des foules intérieures
    qui se pressent aux portes
    de la cervelle gonflée
    dégoulinante de rugosité
    dégorgeant des gouffres du langage
    englouti dans ses méandres.

    Et le cœur plein de mots
    avec la bouche qui bégaie ou se tait
    se tord dans un rictus
    bordée des langages interdits.

    Et le vomissement du couteau sur la toile
    qui étale toute la lumière.

    votre commentaire
  •  

    Mélancolie du premier amour

    Avez-vous déjà connu ces journées fraîches de l'été plein au cœur desquelles vous savez qu'un autre vous attend ? Cet autre est dans les chemins, les ruelles, à la terrasse d'un café ou au creux d'un trottoir. Peu importe le lieu où il se tient, vous sentez que dans ses gestes il vous accompagne et ce souffle lointain va jusqu'à votre bouche.

    Ces jours, de bonheur à l'évidence, je les ai connus, il y a plusieurs étés, au creux d'une île en Méditerranée. Sur une île, on ne se perd jamais tout à fait et même si les bateaux aux voiles lourdes peuvent vous éloigner de ses rives, jamais en ces instants courts et parfaits, je n'ai craint la disparition. Le temps, avec le vent, s'était niché là sous les oliviers fleurant les cigales et le jasmin. Dans ses jours, de bonheur à l'évidence, les deux êtres se taisaient, les dieux auraient pu entendre leurs murmures amoureux et, jaloux, poser une ombre d'oubli et de trahison. Il n'en fut rien, les dieux, ailleurs, distrayaient leurs âmes ennuyées. Qui a connu ces jours a connu le bonheur et il n'est point besoin d'attendre la mort pour s'écrier, comme Crésus « J'ai vécu heureux ».

    Pourtant, le souvenir de ces jours-là est-il encore du bonheur ? L'émotion ressentie se baigne de mélancolie et les objets épargnés, une lettre, un bracelet, une photo, témoins de ce passé disparu exaspère le regard solitaire.

    Du paradis perdu naît la conscience du désespoir. L'enfant suçant son pouce avec le regard éloigné de la mère, pleure sa misère prochaine, regrettant déjà les heures courtes de la vie où l'univers chaud l'apaisait. Certes, l'enfant grandit et s'adresse aux contours de la réalité. Ces contours tranchants. La main de l'homme tremble à chaque bord de table rencontrée : la table de travail, la table de bistrot jusqu'à la dernière, la table de chevet.

    Ailleurs demeure ce pays jamais oublié. Ou bien l'esprit retors glisse l'oubli dans les plis de l'esprit, les nervures du corps. Tel déhanchement, telle tache sur le visage, tel défaut de prononciation sont l'écho de la petite voix jamais tout à fait éteinte qui chante le passé.

    Ailleurs est ce pays lointain jamais encore visité. Ailleurs est ce pays où l'on va pour la première fois et qui n'est que le décor où se rejoue la première vie. Dans ce pays où les hommes ne parlent pas votre langue, vous vous éveillez, seul, assoupi par la chaleur et les fruits sucrés et les voix étrangères sourient comme les premiers mots entendus avant l'apprentissage des mots. L’exotisme vient de ce souvenir inépuisable. Ailleurs n'est pas ce pays lointain jamais encore visité. Ailleurs est le retour.

    Aurais-je encore en tête des souvenirs lointains si ma vie sans interruption ne m'avait accrochée à cette île, liée aux battements incessants des vagues, à la pâle lueur de la lune et à l’effritement des nuages passagers ? Ne serais-je pas alors, assise sur un rocher noir à pleurer, les voiles parties sans moi, me laissant à jamais à la merci de cet amour, au fil des jours estompé et soudain pesamment installé ? J’offrirais alors aux quelques visages des étrangers nomades, le visage fermé et voilé, ailleurs, autistique.

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Le voyage a cela de magique que les hommes en voyage transportent avec eux la beauté éternelle. Le nomade, aux sources de l'humanité, dans sa marche périlleuse, dresse son corps et son regard farouches, et ne se laisse jamais surprendre par l'inconnu. L’homme apprivoisé et sédentaire loin des villes urbanisées retrouve, un temps, son arrogance pareille à l'animal solitaire.

     


    votre commentaire
  •  Automne

    Plus rien ne t'appartient
    tu n'entends plus le vent
    tu ne verras plus
    Œdipe aveugle.
    les feux te mangent la cervelle
    sans merci.
    La mer basilic frisé.
    Un sourire jadis effleuré
    nous glisse entre les doigts.
    Reste la pluie qui fait l'amour avec les pierres
    et les vieilles maisons en secret qui dansent.

    George Oikonomou
    Traduction Michel Volkovitch (remerciements)

     

     


    votre commentaire