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    - Bénissez-moi mon père, parce que j'ai péché.
    - Eh bien, parlez-moi de vos parents.
    - Ma mère est vierge.
    - Oui. Votre mère est vierge. Et votre père ?
    - Mon père est aux cieux. Il m'a abandonné.
    - Au cieux. Abandonné. Oui. Je vois, oui. Poursuivez.
    - J'ai fait un rêve cette nuit.
    - Très bien. Vous pouvez le raconter ?
    - J'étais avec Marie-Madeleine. Elle était à mes genoux. Elle me suppliait de lui donner le corps du Christ. Moi je ne savais pas, je voulais juste finir mon verre de vin. Mais elle a continué à me supplier.
    - Et ensuite.
    - Ensuite, je lui ai donné un bout de pain. Après, je ne sais pas ce qui est arrivé. Je crois qu'elle m'avait attachée, j'avais les bras en croix.
    - En croix ? Oui. Qu'avez-vous fait ?
    - Eh bien, je ne pouvais plus bouger. Et pourtant...
    - Pourtant ?
    - Je me sentais bien. Comme si mon corps ne m'appartenait plus. J'étais en apesanteur. Je ne souffrais plus.
    - Ah ? C'est bien ça. Avant vous aviez le sentiment de souffrir ?
    - Souffrir ? Non.
    - Mais vous avez dit  : je ne souffrais plus.
    - Oui. C'est vrai. Ce n'était pas mon corps qui souffrait. C'était dans mon ventre, enfin dans ma tête. Quelque chose de lourd à porter.
    - Très bien. Et là vous ne portiez plus rien.
    - J'étais très dénudé. Devant Marie-Madeleine. C'était troublant. Mais je ne pouvais rien faire. Et là elle a pris, elle a pris...
    - Oui ? Elle a pris.
    - Eh bien, vous comprenez. Mes pieds, elle a pleuré à mes pieds, avant, et ensuite, elle a, elle a...
    - Poursuivez.
    - Elle m'a donné du plaisir. Vous savez, ce que font les femmes. J'ai cessé d'être le fils d'un dieu. Je suis devenu le fils de l'homme. Pourtant c'était divin.

     

    Illust :
    Rubens, Le Christ en croix

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    Les dix commandements d'un management ultra-libéré

    • Chère Christine, vous êtes un modèle pour nous tous. Pouvez-vous nous décrire vos méthodes de management lorsque vous souhaitez vous débarrasser d'un salarié gênant ?

    • Premier commandement : vous utilisez la flatterie, rien de plus constructif. A peine le salarié X qui vous gêne sort de votre bureau, vous accueillez un deuxième salarié et vous déclarez légèrement : « Ah, X est vraiment insupportable, stupide », vous pouvez décliner à l'infini vos reproches, en appuyant sur des faits, ce qui est encore mieux. « Ouf, tu arrives, on va pouvoir travailler sérieusement, toi tu es parfait.e. »

    • J’appellerai ceci : diviser pour mieux régner.

    • En effet, vous avez planté la première pierre.

    • Ensuite ?

    • Deuxième commandement : l'isolement géographique : un bureau bien fermé et vous expliquez à votre salarié que c'est pour son bien. Vous avez besoin de travailler avec lui sans être dérangé... Surtout s'il a la responsabilité de dossiers épineux sur lesquels vous souhaitez avoir la main.

    • La placardisation ?

    • C'est cela. Ensuite, troisième commandement, en vous appuyant sur le premier commandement, vous dites aux autres salariés -les plus proches collaborateurs de votre salarié gênant- que tout doit passer par vous parce qu'il vous est impossible de confier une tâche à leur collègue. Ainsi, vous les valorisez en leur laissant croire que vous leur donnez davantage de responsabilités. En réalité, vous gardez les décisions dans le creux de votre main.

    • Que se passe-t-il ensuite ?

    • En principe, le salarié craque, et même s'il était tenté de se rapprocher de ses collègues, toute tentative sera impossible grâce aux premier et troisième commandements.

    • Vous voulez dire qu'il va démissionner ?

    • Dans le meilleur des cas. Hélas cela n'est pas toujours possible. Vous enclenchez alors le quatrième commandement : vous le convoquez pour lui expliquer qu'il n'est plus en capacité d'occuper sa fonction, mais qu'on est près à lui offrir une nouvelle fonction à mi-temps. Un cadeau en somme ! Cela vous permet lorsque vous souhaiterez le virer, d'avoir à payer moins d'indemnités de licenciement.

    • Et s'il refuse.

    • Patience, cinquième commandement, vous le poussez à la faute et vous avez un licenciement pour faute grave, pas d'indemnités de licenciement.

    • Christine, tout cela est très clair. Avez-vous d'autres commandements ?

    • Le sixième serait d'avoir des appuis haut placés qui effaceront vos erreurs -on n'est pas à l'abri d'une faiblesse, c'est humain. J'insiste sur un point, pas de harcèlement, ce serait mon septième commandement, car enfin vous pourriez être rattrapé par des avis extérieurs : avocats, inspection du travail.

    • Vous avez raison de nous rappeler ce nouveau fléau : le harcèlement moral est puni par la loi. Bien sûr, quand il est prouvé. Auriez-vous d'autres conseils à partager avec nous ?

    • Le huitième commandement est difficile à utiliser, soyez séducteur, ou séductrice, emballez, passez à l'acte parmi votre belle équipe. Une belle mise en jambe peut faire pencher la balance pour appuyer le premier commandement. En outre, au passage, l'autre vous est redevable, vous partagez un secret qui pourrait se retourner contre vous, certes, mais aussi contre la personne séduite. Cet avantage du secret partagé renforce le huitième commandement : « Je te tiens. »

    • Il nous reste deux commandements, n'est-ce pas ?

    • Lorsque tous ces commandements n'ont pas fonctionné, et que votre autorité, votre pouvoir, risquent d'être remis en question : le neuvième commandement, la diffamation. N'oubliez jamais, vous n'êtes jamais responsable, c'est l'autre. On vous demande des comptes ? Ce n'est pas moi, c'est l'autre. Je suis victime. Je lui ai fait confiance. Je sentais bien pourtant que j'aurais dû me méfier, je suis trop empli de naïveté. Mes salariés m'avaient pourtant bien mis en garde. Et vous accusez avant d'être accusé.

    • Il nous reste un dernier commandement.

    • Mon dixième commandement, méfiez-vous de la presse. Ne prenez jamais la parole en public, gardez secrètes vos manœuvres, vous êtes le général, vous n'avez pas à justifier vos actes. En privé, certes, jamais en public.

     

     

     


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  • Dimanche après-midi, ma fille a pris le bus pour aller de Valence à Romans. Elle a quitté notre maison en courant, elle était en retard m’a-t-elle dit. Je l’ai à peine embrassée et je l’ai vu s’éloigner habillée à la mode japonaise, pas la traditionnelle, la moderne.
    Dimanche soir, mon message sur FB :

      - T’es bien arrivée ?

    Sa réponse :

    - Non, c'est terrible! Alors que j’allais monter dans le bus, je me suis aperçue que la valise à mes côtés n'était pas la mienne... J'ai donc décidé de l'ouvrir pour voir à qui elle appartenait. C'est à ce moment que j'ai découvert qu'elle était remplie de billets japonais ainsi que de trois armes dont une kalachnikov russe.
    J'étais surprise mais je suis restée discrète car la présence d'un homme dans mon dos m’a fait comprendre qu'il valait mieux le suivre à l'intérieur du bus sans faire d'histoire, en gardant la valise à la main.
    L’homme m’a fait signe de le suivre jusqu’au fond du bus, réunissant tout mon courage, j’ai obtempéré car je sentais très bien que ma vie était en jeu. Quand il s'est assis côté couloir il m'a discrètement remis sur les genoux une enveloppe pleine de yens et il ma dit avec un accent russe très prononcé : « Je suis étonné de voir une si jeune intermédiaire, je pensais que j'aurais affaire à un vieux Japonais... Votre tenue chinoise est-elle une moquerie envers la triade ? »

    C’est là que j’ai compris que ma fille était habillée en chinoise et non pas en japonaise… Son message se poursuivait :

    - Je lui ai répondu sans faillir malgré la peur : « Peu importe, trêve de bavardage, prenez la valise ! » Il a acquiescé satisfait de voir mon professionnalisme. La suite du trajet jusqu'à la gare de Romans s'est poursuivie sans encombre et quand il est descendu, il a pris la valise. Moi j'ai retrouvé la mienne qui était dans la soute. Puis papa est venu me chercher. Bref je suis toujours en vie.

    Ma réponse :

    - Merci de m'avoir rassurée ma chérie. A demain.

    Je me demande si elle ne regarde pas trop de mangas ou si c’est son dernier jeu vidéo GTA qui est responsable. En tant que mère je me sens un peu coupable de ne pas assez me préoccuper d’elle. J’y réfléchirai demain quand elle sera de retour, demain est un autre jour.


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  • - Vous êtes tous là ?
    - Gilbert est à la machine à café, le voilà.
    - Bon, la loi entre en vigueur aujourd'hui. Donc, je demande aux équipes de l'après-midi d'être en veille active. Je ne veux pas de débandade dans les rangs. On n'est pas là pour juger la loi, on l'applique.
    - Ok chef, on fait comment concrètement ?
    - Vous surveillez les terrasses entre 14 heures et 17 heures, à partir du 21 juin, jusqu'à 19 heures.
    - Et ?
    - La moindre tasse qui fume, vous vérifiez et si besoin vous verbalisez.
    - Comment on sait que c'est une substance illicite ? On demande au patron ou au client ce qu'il boit ? On goûte ?
    - Regardez le ticket. C'est un premier indice. Thé, chocolat, tisane, vous oubliez.
    - Ils vont tous tricher !
    - Ce n'est pas notre problème. En cas de doute, vous verbalisez. Amende à cent cinquante euros à la clé, ça les fera réfléchir. On verra plus tard pour les récidivistes s'il faut les serrer.
    - Serré, je le préfère serré.

    - Moi, dans mon quartier ça va poser problème. Y a tous les petits vieux dans les jardins publics, y s'assoient  sur les bancs avec leur thermos les après-midi de soleil. Ca fait longtemps qu'y vont plus en terrasse, trop chers pour les retraités, enfin ceux de mon quartier.
    - Ils auraient mieux fait d'en interdire la vente directement.
    - Le lobby des grandes surfaces a levé son bouclier. On peut pas savoir comment les clients consomment. Rien n'interdit, chez soi, d'en consommer, c'est juste sur l'espace public qu'il y a danger et encore en principe quand il fait soleil.
    - Et s'il vente, les tickets s'envolent. Ca va compliquer.
    - Thomas, je répète on n'est pas là pour juger la loi, on l'applique. C'est tout.
    - Et à Gerland, je fais comment ?
    - Dans les camionnettes blanches, ce qui s'y passent c'est pas notre problème, c'est celui de la brigade de répression du proxénétisme.
    - Chef, et au commissariat, on fait comment maintenant ? Parce que la machine à café, c'est aussi l'heure de la clope. Moi je sors avec ma cigarette et mon café.
    - C'est pareil. Pas de café à l'extérieur les après-midi et pour nous TOUS les après-midi de l'année. Je vous imagine déjà chipoter que c'est 17 heures zéro cinq et qu'on est le 20 juin.
    - Au fond, c'est quoi le risque ?
    - L'amende. Cent cinquante euros.
    - Non, mais je veux dire pour la santé ?
    - Les scientifiques ont sorti une enquête : le café bu au soleil donne le cancer. Enfin le soleil de l'après-midi, les études montrent que le soleil du matin n'est pas contre-indiqué, question d'orientation des rayons. Les politiques savaient pas quoi foutre qu'inventer une loi, le ministre de la santé a été le plus virulent. Il s'en fout, lui il ne boit que du café décaféiné depuis sa crise cardiaque.
    - Et en DOM-TOM y font comment ?
    - Ca vaut pour la métropole, les DOM-TOM c'est pas notre rayon d'action. Tout le monde a compris les instructions ? Je répète pas, ça me lasse.
    - On fête ça à la machine à café ? Il est onze heures, on peut même le boire dans le carré extérieur. Je vous offre le café, pour la naissance de mon troisième. Et chef, n'oubliez pas, vous êtes le parrain !


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  • - Qu'est-ce que vous faites ?

    - On trie les dossiers. C'est le boss qui l'a demandé.

    - C'est quoi ce tas ?

    - Intermittents, intérimaires et Cdd à temps partiel. Direct poubelle, intraitables.

    - Et ce dossier vide ?

    - Musicien. Auteur. Artiste. Journaliste. On a déjà jeté.

    - On en fait quoi de celui-là ?

    - Raoni. Chasseur-cueillir. Nationalité : Brésilien. Il vient d'Amazonie.

    - Il est arrivé en pirogue ? Et il fait quoi en France ? Il a des papiers en règle ?

    - Refuge politique. Inattaquable.

    - Avec sa peinture rouge sur la figure ? Et puis chasseur-cueilleur, c'est quoi ce travail ? Et là c'est quoi ?

    - Des profs et des infirmières. Dans le dernier projet de loi, ils vont réduire le nombre de fonctionnaires. Ils partent déjà pour le privé.

    - Les ex-fonctionnaires vous oubliez. Et là ?

    - Secteur associatif subventionné. Poubelle.

    - Il reste quoi ?

    - On a éliminé les plus de cinquante ans, les moins de vingt-cinq sans expérience significative.

    - Significative ?

    - Tous ceux qui prétendent avoir fait des stages.

    - Il reste quoi ?

    - Ces trois dossiers : fin de CDD à temps plein, CDI licenciés pour raison économique ou pour faute.

    - Faute ?

    - Uniquement les fautes graves. Les autres, on a peur que ce soit un arrangement pour toucher le chômage. En résumé, sur nos 1 800 dossiers, on en a gardé 200.

    - Ben, ça va nous donner moins de travail.

    - Chef, on a terminé le tri. 200 dossiers à traiter.

    - C'est-à-dire ?

    - On a éliminé tous les faux travailleurs, on a gardé ceux qui avaient déjà eu un vrai travail.

    - Comment ça ? Vous n'avez pas compris les instructions. C'est pourtant clair, on doit trouver un vrai travail aux chômeurs. Vous pouvez recommencer à zéro.


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