• Les années de fac - ou l'anti-portrait de Neruda

    Deux années de faculté, c’est trop peu pour la connaître. Sans oublier que je vis dans ma tour. Peu d’étudiants sont mes amis. Je n’ai aucune activité ici. D’autres sont des meneurs de foule, au milieu des tracts, des débats, des réunions. Ils décident, réfléchissent, palpent la vie estudiantine. Moi je m’assieds à une table blanche de la cafétéria et j’attends. Je m’emplis de cette atmosphère. J’en respire les idées neuves, les discours inefficaces, les bavardages insolites. Quelqu’un écoute je ne sais quelle chanteuse de rock qui s’accompagne d’un accordéon lascif. Je ne cherche pas à me mêler aux bavardages, je ne suis pas douée pour ça. Éternellement isolée, éternellement proche. Je vois passer des jeans aux pieds en baskets blanches sans signe apparent de séduction. Le paraître estudiantin se comprime dans le non-paraître. Mais c’est encore une manière de paraître. Pourrait-on créer des catégories ici aussi ? Je n’en ai pas envie. Je laisse cela aux statisticiens, à leurs études de marché. Je n’ai pas l’âme d’un marchand. Aujourd’hui, j’ai de la chance. Neruda se précipite sur les parois vitrés de la cafétéria. Personne ne le voit, personne ne l’écoute. Je le soupçonne d’aimer ça. Incognito. Lui aussi savoure ce plaisir d’être là. Le simple plaisir d’écouter le brouhaha. De suivre les mouvements des uns et des autres autour des tables, du juke-box, du baby-foot. Neruda en casquette, Neruda en toque, Neruda en sourire. Je m’avoue que je n’ai rien lu de lui. D’ailleurs, j’ais très peu lu. N’empêche, Neruda, le nom seul est un écho bruyant.


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