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Par Corinne Valleggia le 30 Septembre 2023 à 18:48
Yvonne,
Pourquoi m'as-tu adressé toutes ces lettres ? Tu as attendu trop longtemps. Depuis ton départ je me suis grisé à tant d'autres vies, à tant de goulots, aux enfers aussi. Le temps a passé. Il fallait bien passer le temps, ce faux guérisseur, rompre les espaces éternels. Comment pourrais-je aujourd'hui écouter tes lettres ? Entendre le bruit froissé de leur papier entre mes doigts qui tremblent. Ecoute mon cœur, il se brise, il est en verre blanc. Ne me donne plus à lire tes lettres, elles me font trop mal aux yeux, aux joues, à la bouche, aux tripes, aux genoux, mes pieds fuient sur le sol qui se dérobe. Cette dernière rue où nous avons marché main dans la main, ce dernier matin où nous avons perdu notre langage. Oh Yvonne, qu'avons-nous fait de nos vies l'un sans l'autre ? Le jardin est dévasté, tu ne le reconnaîtrais plus. Tes lettres me sont venues trop tard. Et je suppose que tu ne m'en écriras plus maintenant, trop d'étoiles ont cessé de briller depuis ton départ. Dis-moi. Ma voix s'est éteinte. Je t'ai perdue, mon âme est perdue. J'ai peur.
Ton vieil épouxPs Je prie pour que tu reviennes, ne serait-ce qu'un jour...
d'après Malcolm Lowry - Au dessous du volcan
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Par Corinne Valleggia le 30 Décembre 2018 à 21:21
J'ai refermé ton livre et le dernier mot écrit dessinait l'intervalle entre nous. Ce livre fini s'achève avec nos nuits uniques. Tu parlais d'Absence, de Vide, de Voyage. J'aurais pu écrire les mêmes mots, ailleurs. Mais auraient-ils eu le même sens ? C'est bien là le piège : sens. Quel mot étrange qui signifie tout à la fois sensation -ce qui vient du dedans- et direction -ce qui va là-bas, perdu.
Ce soir, combien je regrette que mes sens aient brouillé à ce point la réalité, qu'ils m'aient plongée dans la ville, sous la lune rousse de l'été, pour t'amener à moi. Tous ces chaos dans nos têtes, entre nous, pour une erreur de sens. D'ailleurs, que signifient : Absence, Vide, Voyage ? Ce sont des tourments inventés qui nous attachent à la vie et à ses faux-semblants. La nuit quand je marche dans les rues, est-ce le désir ou la perte de sens qui m'envahit ? M'endormir en évitant les sensations, rester immobile au bord du lit et, n'attendre rien. Les mots nous encombrent comme un mal puissant. Erreur de sens.
Qu'espérait-elle en mordant le fruit ? Je voudrais être un dieu courbé au-dessus de la Terre, surveillant les allées et venues des sentiments, les surveillant de très loin, de très haut à la façon d'un savant penché au-dessus de la cage en verre des rats blancs.
Bête à expérience. Si seulement je pouvais me contenter d'une cabane isolée au bord d'une plage. Passer mes jours à respirer à plein sens.votre commentaire
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Par Corinne Valleggia le 17 Juin 2018 à 22:15
Avant de lire cette lettre, respire son parfum, entends ses bruits : ils sont de l'Afrique. Ils sont l'Afrique. Dans un point noir au cœur de ce triangle bombé. Bien loin des rives de la Méditerranée et de ses mythes familiers. Loin de Dionysos et de son cortège, loin de la Naples souterraine et des Madrilènes écarlates. Loin de l'étoile de la Palestine.
Cette lettre roule de tous les fleuves lents et furieux de l'Afrique, de ses steppes rougies, de ses forêts étonnantes.
Cette lettre glisse jusqu'à toi resté au cœur de l'Europe, au cœur de mes pensées. Par-dessus le ciel voilé de l'Afrique, sa main s'étend à l'infini de mes désirs. Cette lettre s'inonde de mes paupières et bien plus loin.
Cette lettre un jeune facteur la déposera dans ton allée.
Cette lettre t'apportera mon oubli impossible de toi, depuis le creux de l'Afrique éternelle.votre commentaire
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Par Corinne Valleggia le 20 Juin 2016 à 18:18
Cet amour n'a jamais cessé. C'est ainsi.
Gardons-nous à l'abri du temps. C'est déjà fait, je crois.N'a jamais cessé, car ceux qui restent partagent des grottes souterraines.
Immenses sans doute, les rencontres sont rares.. Mais il suffit d'une fois.Ma main s'efface à l'amorce d'un signe. Sortilèges.
Te souviens-tu de ces beaux jours,
Mon âme, t'en souviens-tu ?
Où nous vivions de l'eau d'amour
Écoulée en sources répandues
De sa bouche rêveuse ?votre commentaire
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Par Corinne Valleggia le 20 Mai 2016 à 18:09
LUI
Ces coups sur le mur que s'adressent les prisonniers,
ou bien deux salles d'attente près du quai d'embarquement
Puisque tu m'y invites, puisque je le suppose
Je songe à Eurydice, un rôle que nous tenons tour à tour.
Pour l'instant, parle et ne te retourne pas.ELLE
Je ne me retourne pas
Mille et une nuits dans les enfers
Ne pas voir le jour se lever
Pour ne pas quitter la main d'Orphée.
Je chemine dans cette partie de moi
Qui s'étire comme une panthère des neiges
Tu m'y invites, je déroule cette approche
Je ne sais plus à qui elle s'adresse
A toi retrouvé ou à moi perdue ?votre commentaire
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