• 6h30 : avant de me lever, je plonge dans la lecture de « Les lions du Panshir». 1982, Jean-Pierre a trahi Jane et les habitants de la vallée. Jane s'enfuit avec Ellis dans le Nuristan, à travers les montagnes d'Afghanistan. Je n'aurai pas le temps.
    7h : douche rapide. Quel temps fait-il ? choisir des vêtements, se coiffer. J'ai une mine blanche et grise, les cheveux en bataille. Le miroir est terrible, la cinquantaine est proche. Se maquiller. Préparer le petit déjeuner, celui de ma fille, le mien. Ranger la maison, descendre la chienne, ne pas oublier de fermer les fenêtres. Je n'aurai pas le temps.
    8h27 : je dépose ma fille devant la cour de son école, j'achète une baguette à l'ancienne : « Bonjour, pas de croissants ce matin ? », le boulanger est sympathique. Tous les jours il est là avec sa camionnette sur le parking de l'école. J'écoute Europe 1 : Elkabach, qui agace ses invités et moi aussi, ou bien des chansons françaises que je reprends en refrain. La route dans les champs fleuris. Les croisements. L'arrivée au lac. Je n'aurai pas le temps.
    8h45. Saluer Homère qui se laisse caresser gentiment, malgré son allure de molosse. Remercier Gégé pour le café du matin. Vérifier la trésorerie, penser à rappeler Gad. Ouvrir les dossiers, les refermer, répondre aux fournisseurs, improviser, recompter, décompter, saluer les artistes, plaisanter avec mes collègues, imiter les blondes. Je n'aurai pas le temps.
    11h30 : La Mercedes a franchi la grille : « bonjour, Monsieur le Président. » L'heure du repas approche, l'après-midi au même rythme. Je n'aurai pas le temps.
    18h30 : retour à la maison, j'embrasse mon mari et nos filles : « Comment s'est passée ta journée ? » S'activer pour le repas du soir. Dans la cuisine, j'aide ma fille à faire ses devoirs : la conjugaison des verbes irréguliers ou la circulation sanguine. Le journal de 20 h. « Il est l'heure de te mettre en pyjama, n'oublie pas de te brosser les dents ». « Oui, maman. » Au lit. « Maman chérie que j'adore, un bisou. J'ai soif. » Je n'aurai pas le temps.
    21 heures : J'ouvre mes cahiers. J'ouvre mon ordinateur. Je ferme mes oreilles. J'entends le bourdonnement d'une rivière qui chute et je vois les montagnes enneigées d'Afghanistan. Je commence d'écrire. Je prendrai le temps.

    J'avais oublié, aujourd'hui, on est dimanche !
     


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  • Dimanche après-midi au parc. La foule du dimanche après-midi, en fin d'après-midi, au parc. Les manèges éclairés, le soir descendant. Au faîte des arbres, le soleil s'affaiblit, large cercle rouge et orange, paternel comme un vieux paysan en hiver pressant ses oies jusqu'au hangar. Les enfants roulent très vite, arcboutés sur des tricycles, pour monter jusqu'aux cieux. Un couple de corbeaux, très haut perché sur le plus haut des arbres de la pelouse centrale, se tient immobile, fixant un point d'horizon qui pourrait tout aussi bien se trouver figer dans leur cervelle d'oiseau. Un vieil homme assis sur un banc les fixe tout autant. Voix rythmée par le vent de janvier, il énoncerait l'oracle des corbeaux.

    Les allées sont humides et grasses. Les enfants piétinent le sable et s'éclaboussent de boue. Je reste debout au centre de la grande pelouse, caméra sans mémoire je visionne les branches dénudées, cristallisées sous janvier, les voix de la foule qui n'en finit pas de parcourir les allées grasses et humides du parc, un dimanche en fin d'après-midi. Un homme et une femme, sourires, se cachent derrière le tronc d'un arbre pour jouer avec leur enfant. Deux hommes marchent côte à côte, l'un écoute, l'autre parle et ils se tiennent ensemble, parcourant la même idée.

    Au centre de la roseraie, l'ancienne roseraie, la statue au puits s'est encore polie : les formes des seins et de la bouche sont atténuées et l'index, hier dressé vers le ciel, est aujourd'hui brisé. L'avant-bras est fracturé et la statue au puits, muette, regarde les passants dans les allées grasses et humides. Elle a gardé le même visage paisible avec une certaine trace de mélancolie que la caresse de la pluie, après tant de jours, a déposé sur ses joues.

    J'ai dans la tête l'idée d'un paradis. L'idée seulement. Avancer solitaire et emplie d'un monde qui se passerait bien de la foule des allées grasses et humides. Le soir descendant me guide vers l'apaisement final jusqu'à ce pigeon blanc qui s'envole devant moi. Les Afghans croient que les pigeons blancs sont habités par des esprits. Dans le moment de ce crépuscule, j'aimerais être afghane.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />

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  • Comme lui, je n'ai pas été sevré et chaque nuit la longue marche reprend jusqu'à l'apaisement qui ne vient pas. Dans ces jours de lumière et de vent, l'apaisement vient d'une bouche inconnue, d'une main étendue sur la natte tressée. En ces jours dans l'ailleurs, l'apaisement vient de ce sourire sans ombre jeté par-dessus les foules envieuses. En ces jours suspendus entre l'horizon africain et la pesanteur de l'Europe, je parcours cet espace plein de ses pas et de ses longues jambes porteuses d'apaisement.

    En ces jours, courts de quiétude, que l'arrivée de la nuit avec son cortège de désirs inassouvis efface, je ressemble au vieil Arita, étendu sur la couche de sa jeune épouse et criant de toute sa déraison, plongeant la maison dans l'effroi des ses cauchemars insatiables.

    Tout autour, le groupe d'enfants noirs abandonne sa curiosité à cette page écrite. Leur mère ou petite mère porte sur la tête la hachette qui coupera les pousses de bambou dans le champ où son époux sera porté jusqu'à sa dernière demeure.


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  • Tu vois cette croix du Christ qui descend dans l'aube ? Regarde bien ce visage de douleur. Regarde cette souffrance. C'est la tienne quand tu jouis dans mon ventre. Comment peux-tu apaiser ton amour dans la simple jouissance ? Il faut aller plus loin encore. La liberté et la mort. Ce n'est pas encore ce jour que la course s'arrêtera. Désormais, j'admets tout au fond qu'elle ne pourra trouver le port. Le sentiment d'incomplétude demeure. J'ai la certitude que le vide ne sera jamais comblé par l'autre. Il faudra rester étranger à l'autre.sera jamais comblé par l'autre. Il faudra rester étranger à l'autre.


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  • La panthère des neiges, espèce menacée.
    Son territoire : la Mongolie.
    Elle ne rugit pas, elle ronronne.


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