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    Encore une page écrite sur le bord d'une table de café, avec, sur cette table, aujourd’hui carrée et blanche, une tasse de café noir. Mon cœur s'emplit de la mélancolie, non pas celle que le café avalé enfle dans ma bouche à gorgées chaudes et trop sucrées mais plutôt celle des jour où l'on craint l'impossible, où l'on craint les possibles. Une histoire de rien écrite parce que le néant s'approche à grands pas. Des mots trop forts pour des maux insignifiants mais éternels. Crainte des trahisons en chaîne. Crainte de l'oubli. Et puis quoi, foi en la vérité qui éclatera au grand jour et effacera les mauvaises histoires.


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    D'Ondine

     


    Il était une fois une petite sirène. Ce pourrait être celle du Danemark ; celle qui attend immobile et fragile le retour d’un prince venu de Thullé. Elle s'est assise un matin d'automne sur les roches humides d'une plage danoise et depuis elle penche son corps en avant vers les flots qui lui ont volé la vie. Elle attend le retour de l’impossible, ses jambes de femme à jamais repliées sous se reins.

    De Thullé arrivent encore des marques d'une noce, quelques cotillons, des bouchons de liège qui rappellent que l'on fait couler à flot les vins de France dans les calices d'argent. La reine avait les larmes aux yeux quand elle surveillait, encore attentive, les gestes de son fils, oublieux d'elle et déjà ses mots chuchotés pour celle qu'il a choisie : une blonde jeune princesse venue du royaume voisin. Le prince glisse l'anneau sacré aux doigts de l’aimée.

    Ondine ne craint plus les coups de sabre qui à chaque pas ployaient sa démarche légère. Les flots marins ballottent déjà son corps. A l'heure où les cloches du royaume carillonnent, une vieille sorcière lui murmure des paroles maléfiques et ses larmes auraient pu combler à jamais toutes les mers asséchées. A cette heure, l'océan la porte d'écume en écume et Aphrodite ne pouvait rien pour cette enfant perdue. Dans les nuages gris, Éros se cache, triste et regrettant l'absence de la justice de Zeus. Les Walkyries se taisent et si le vent souffle, c'est de rage, pour crier son impuissance. Dans leur royaume sous-marin, les sœurs d'Ondine se lamentent mais le roi, leur père, leur rappelle la conduite insensée de sa chère enfant. Lui-même ne peut rien pour alléger le terrible ordre des choses. Ondine a refusé de se plier aux ordres du monde. « Moi, encore moins que le plus futile de mes sujets, ne peut rien pour votre sœur, pour ma fille chérie. Comment un roi, gardien de l'ordre, peut-il changer le cours des temps ? Ondine savait à quoi elle s'exposait. Plus rien n'est possible désormais. Les flots engloutiront mon enfant à tout jamais. »

     

    Les pleurs des sirènes s'en vont de rocher en rocher, de plage en plage, d’îlots en îlots.

    Un poète les entend et se lamente avec elles. C’est sur son île que les flots décident de déposer le corps d'Ondine. Que ne peut-il être dieu et redonner vie à cette chair encore chaude ? Il allonge Ondine sur une litière de fleurs et étale ses longs cheveux. Le calme a de nouveau imposé son masque à cette petite fille oubliée des dieux. Le poète quelque nuit s'étend à ses côtés, la lune projette ses rayons adoucis sur leurs corps. Le poète croit entendre le souffle régulier de la jeune fille. Lorsque le soleil se lève, le poète a pris sa décision : pendant quarante jours et quarante nuits, il éclate un marbre noir pour conserver à jamais le corps de la jeune téméraire.

    Il faudra attendre bien longtemps pour que le marbre ait plié sous les flots, un artiste préféra le bronze pour recréer la silhouette. L'histoire ne dit pas si le poète a rejoint sa sirène au fil des temps.

     

     

     


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  • Bashung immortel

    en amont s'est endormi

    toujours là au monde


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  • Dionysos, dieu du désir pulsionnel assumé
    divisé par le Diable, dieu déchu du plaisir détourné
    reste La Croix
    Et cloué à cette croix l'Homme devenu dieu
    au nom de l'amour

    La bergère violée à la margelle du puits
    divisé par la courtisane poudrée de séductions
    reste l'Ecume
    Et baignée à cette écume Aphrodite libère
    au goût de l'amour

    Le Guerrier, survivant des combats
    divisé par l'entêtée, au cœur rayonnant
    reste Le Philtre
    Et buvant à ce philtre les Amants éternels
    au partage de l'amour.

     

     

     


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  • En ce temps d'aprèsJe ne pourrai jamais te dire combien longtemps j'ai vécu assise sur un trépied tremblant.
    En ces temps-là, bien sûr j'avais des amours, bien sûr j'avais des activités qui tenaient ma vie.
    En ces temps-là, j’avais parfois l'amour et l'action, parfois l'amour et le vide, parfois l'action sans l'amour.
    Et tu es née.
    En ce temps-là j'avais l'amour pour ton père et son amour qui me donnait une famille, avec sa grande fille, j'avais l'activité pour faire vivre notre famille, j'avais toi.
    En ce temps-là, j'avais le bonheur de toi, de regarder ton visage souriant, te regarder vivre, apprendre à marcher, à rire, à pleurer, à parler, à penser. Etre ta mère protectrice, pour te voir grandir.
    En ce temps-là qui a duré vingt ans, j'étais une pythie sur son trépied de bronze.
    En ce temps là, je n'avais pas à proférer d'oracle puisque j'avais tout autour de moi.
    Et ce temps de ton départ est arrivé.
    En ce temps nouveau je dois quitter mon trépied, retrouver mes équilibres fragiles, chercher tantôt Apollon, tantôt Dionysos.
    En ce temps d'aujourd'hui je dois recréer mon univers.
    En ce temps d'après, sa courbe est fatale.

    En ce temps-là tu vis ta première histoire d'amour et je t'aime.


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