• Retraite anticipée pour carrière longue

    C'est quoi en résumé 40 ans de carrière pour la carsat.te ?
    D'abord tu dis pas que t'as travaillé au noir à 16 ans dans une boulangerie de Vienne quand t'étais lycéenne ; ça t'oublie.

    Après tu dis que t'as commencé par être secrétaire -parce que fille d'ouvrier tu fais pas tes universités- et que tu as fini comme comptable.

    Après tu expliques que tu t'es inscrite à la fac d'histoire à cause d'Alexandre le Grand. En gros tu voulais comprendre, apprendre, sortir de l'autodidacte pour entrer dans les lieux de connaissance. Certes, étudiante mais travailleuse, faut bien vivre. Du coup, tu dis pas que t'as travaillé par nécessité dans les nouvelles technologies de la communication -entendez les premiers micro-ordinateurs sans souris, avec le DOS (prononcez dosse) et les premiers tableurs en noir et vert, et surtout avec le minitel, pas rose, le BtoB-. Là c'est le hasard : t'avais proposé à un Grec de taper sa thèse sur « l'histoire des mouvements marxistes-léninistes en Grèce ». Et ta machine à écrire électrique ça le faisait pas. Alors t'es entrée dans un bureau de la Part-Dieu et là ô miracle la directrice te donne les clés et te laisse taper ce que tu veux sur les premiers micro-ordinateurs destinés aux traitements de texte. A cette époque sa petite entreprise était spécialisée dans la formation des informaticiens sur les gros ordinateurs, parce qu'il y avait encore des ordinateurs énormes dans des salles climatisées.

    Après t'es en marche dans les start-up lyonnaises de l'ère Tapie. T'es même embauchée par le boss -qui est aujourd'hui député-, le fondateur/destructeur d'une grosse boite de jeux vidéo -mondiale qu'elle est devenue sa boite- qui te demande : « Tu sais écrire ? » Comme t'as pas trente ans tu dis oui à tout. Tu fais le tour du bâtiment : au troisième la direction, au second les commerciaux, au premier les programmateurs (de 20 ans d'âge) au rez-de-chaussée les graphistes qui t'expliquent qu'au sous-sol ils vont fumer leurs trucs interdits -oui le chit est déjà interdit dans les années 80. Tu écris ton premier article sur les graphistes des jeux vidéos sur Atari. Et là t'es dans la merde tu dois créer le chemin de fer d'un journal de micro-informatique et distribuer à des pigistes leurs durs labeurs. Là t'as de la chance, tu recrutes l'homme de la situation -le pigiste le plus doué de sa génération-, qui te prend au sérieux quand toi tu penses « je suis sauvée, je vais pouvoir assurer la sortie du magazine dans les temps » et le rédacteur parisien  -qui ressemble à Omar Sharif avec la moustache mais qui te déteste parce que t'es pas du métier- pourra te foutre la paix. Ça y est t'es chargée de projets : création de sites internet, recrutement d'informaticiens dans un cabinet. Là tu recrutes un cégétiste pour un service informatique de Saint Etienne et quand le directeur te fait des reproches tu lui rappelles que ta déontologie t'interdit de vérifier ce genre d'info et tu le rassures : « Si Monsieur est syndicaliste à Saint Etienne ça montre sa capacité de s'investir dans son entreprise. »
    Puis un jour tu reçois la révélation,
    sur ton chemin de Damas : « Je veux devenir administratrice d'une compagnie de théâtre. » Parce que t'as écrit pour le théâtre, plusieurs textes poussiéreux et le premier -ô miracle- diffusé sur France Culture quand t'as 25 ans. Donc le théâtre. Là tu rencontres un metteur en scène qui te confie les clés financières de sa maison, tu quittes Lyon pour Valence. Dix ans tu te démènes, tu suis l'aventure, tu la précèdes parfois -si ce n'est pas trop prétentieux de le dire- jusqu'au jour où l'arrivée du nouveau codirecteur te pousse dehors et tu fais ton chemin de croix. J'aime bien vivre à Valence mais parfois non, et la Retraite d'Eugène c'était le premier texte du metteur en scène, un truc sur la Grèce, un héros aux douze travaux.
    Ouf, la Drôme a plein de ressources : t'es embauchée par un music hall à la campagne, tu découvres les coulisses des danseuses de cabarets aux costumes de folies. Certes à cette époque -c'est pas celle de Cocteau et de Piaf, c'est déjà celle de Dormesson et de Jauni- c'est ringard de travailler dans le plus grand cabaret de la Drôme, c'est même du reniement à la Qulture. (Ah oui tu voulais travailler pour des artistes mais en réalité c'est pas le Ministère des Artistes, c'est le Ministère de la Culture.) Donc là tu tombes dans la culture populaire après le ThéÂtre. Mais tu t'en fous, t'as ta famille, t'es plus obligée de faire le tour des théâtres de France pour assurer le succès de la compagnie devenu centre dramatique. Dramatique, ça porte bien son nom puisque t'as été virée pour faute grave, le codirecteur voulait ta place mais il a fait croire que tu t'étais lassée après t'avoir mise au placard. Donc direction cabaret, puis musiques actuelles toujours dans la Drôme. T'aimes les aventures nouvelles ! Le meilleur c'est quand tu fais la billetterie d'une certaine salle de rock garage de Valence et qu'on t'appelle Josiane parce qu'on a oublié ton prénom mais qu'on te serre ta bière au comptoir et que les groupes de métal US t'appellent Corina.

    Pendant 25 ans j'ai travaillé dans le spectacle vivant. Je résume : blanc au théâtre, champagne au music-hall, bière aux musiques actuelles.

    En résumé, j'ai rien foutu, le hasard, le désordre, le travailleur salarié de base.
    Resservez-moi un café, là je fais pause, j'ai besoin d'air.

     


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