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  • Voyez, les amantes étaient toutes venues
    Avec leurs mains tendues à la vue des corps nus
    Leurs bouches closes et leurs doux yeux implorants
    Elles avaient ensemble traversé les temps
    Nichées tremblantes dans le noir du corridor
    Contre la porte verrouillée par la clé d'or
    Eve et Juliette, Pénélope et Alma
    Virginie et Hélène, Sapho et Anna
    Ariane et Emma, Carmen et Héloïse
    Les voici réunies quand les amants s'unissent
    Et quand les deux amoureux se sont endormis
    Nuées d'Eros, elles s'éplorent, attendries.
    Cet Amour s'accroche à son petit rond de Terre
    Entouré de voiles, il cache ses mystères.  


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  • Dans la rue, les piétons avancent sous la grosse horloge. Leurs démarches n'est pas toujours la  même : certains vont tète baissée, d'autres traînent les pieds, un tel regarde les vitrines, tel autre les fesses des femmes. Une se tord la cheville en courant sur ses talons aiguilles. Un relève son chapeau pour goûter au ciel. Chacun, pourtant, a dans la tête la même préoccupation : avancer, prendre le chemin le plus court pour rejoindre sa destination. L'horloge, l'œil en cyclope, les dévisage, en suit parfois un plus longuement pour deviner où va sa course. Mais elle est coincée là-haut, à ne rien faire. Impossible de courir, ni même de dormir : son œil s'ouvre tout le jour et toute la nuit.  Ne pas dormir ne la gêne pas vraiment. Son regret, qu'on entend dans ses soupirs, c'est de ne pas pouvoir rêver. Elle s'empare alors des rêves des passants qui vont plus bas au-dessous de son cercle noir. Tantôt, elle devient pianiste aux belles mains, tantôt belle ouvrière aux mains habiles. Parfois, elle a la jambe ronde d'une jeune femme, ou d'autres fois le pantalon droit d'un homme d'affaires. Elle vit toute leur vie en un clin d'œil, le temps que le passant surgisse du coin de la rue et passe en-dessous pour disparaître dans le vide derrière elle. Derrière. La magie de ce monde qu'elle ne voit pas : la rue est-elle encore longue ou s'interrompt-elle tout à coup ? Peut-être débouche-t-elle sur une place ombragée où jouent des enfants, avec des balançoires, des tourniquets et un marchand de glaces. Ou bien encore la bâtisse blanche d'un ministère aligne le long du trottoir ses fenêtres hautes à petits carreaux : le ministère de l'heure et des horloges.

    Un jour -l'horloge s'en souvient comme si c'était hier- l'aiguille de ses heures s'est perdue. Bientôt, l'aiguille de ses minutes s'est détachée elle aussi. Il n'est resté que le cadran vide et absurde qui a continué de fixer les passants avec ses chiffres romains devenus muets. Tous les passants ont oublié qu'autrefois ils réglaient leurs pas sur elle. Le matin, ils se pressaient, tandis que le soir, ils prenaient le temps de la saluer avant de regagner leur logis. Maintenant, les piétons oublient tout simplement de lever les nez et si, par habitude, ou par hasard, ils jettent encore un regard distrait là-haut, ils s'irritent contre cet objet laid qui a perdu sa fonction. On ne peut pas me laisser comme ça éternellement, soupire-t-elle. Eternellement ! Le temps s'aplatit dans sa tête. Quand elle tournait rond, au fond elle n'y pensait pas au temps. Elle laissait faire. Parfois, elle remarquait : « Tiens, trois heures moins onze, le petit monsieur n'est pas encore sorti de son allée pour prendre le tramway. Il sera en retard aujourd'hui. » Elle sourit en pensant qu'autrefois, elle s'irritait quand l'aiguille des minutes paressait et prenait du retard. Elle grommelait et le tictac bourdonnait plus fort. Elle espère qu'un jour un passant, obsessionnel de l'ordre, lèvera les yeux sur elle et pensera : bizarre, cette grosse horloge n'a pas d'aiguilles. Il en aura des frissons parce que l'étrange, surtout dans les petites choses de la vie, étourdit. Ou bien, il y aura un fonctionnaire zélé, on en trouve partout, qui aura remarqué l'absence d'aiguilles et signalera cette anomalie au bureau des horloges de la ville. En attendant l'horloge continue de poser son regard cyclope au dessus des passants. La nuit tombe et elle soupire à la lune qui ne la voit pas.

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  • Tu dis que les morts ne sont pas morts
    Ils sont dans l'Ombre qui s'éclaire
    Et dans l'ombre qui s'épaissit.
    Les Morts ne sont pas sous la Terre.
    Birago, tu te trompes
    Ce sont les vivants qui sont disparus.
     J'ai plongé ma main
    Pour cueillir Eurydice
    C'est une poignée de terre
    Que j'ai agrippée
    Ma femme disparaît
    L'ombre de sa vie s'éloigne.
     Je suis Orphée noir
    Mes chants se sont cassés
    Je n'ai plus qu'un cri
    Dans le silence des forêts
    Je m'allonge dans les temples
    Trompeurs d'illusions.
     Entends,
    Le Buisson en sanglots
    Ce sont les ménades punies
    Qui gémissent
    J'attends ma dernière métamorphose
    Pour rejoindre le royaume d'Eurydice
    Comme au commencement.
     Souffle la chandelle, Birago,
    Sa lumière m'aveugle.
     


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  • Ce chuchotement venu des pierres lorsque tu longes le mur

     Tout artiste qui aspire au vrai, au bien et au beau comme objet ultime de sa quête est fatalement hanté par le désir de forcer l'accès difficile du monde des démons, et cette pensée, qu'elle soit apparente ou dissimulée, hésite entre la peur et la prière.

     Yasunari Kawabata


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