• " J'ai dit ma peine à  qui n'a pas souffert

    Il s'est ri de moi.

    J'ai dit ma peine à qui a souffert,

    Il s'est penché vers moi.

    Ses larmes ont coulé avant mes larmes.

    Il avait le coeur blessé."

    Jean Amrouche, Chants berbères de Kabylie


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  • Tu dormais.
    Ton souffle soulevait à peine ton torse tendu même dans le sommeil.
    Ta tête s'inclinait de côté, à la recherche du repos.
    Tu avais posé tes deux mains, à plat, sur tes côtes, et sur ton ventre.
    Tu composais une étreinte à toi-même, orphelin des tendresses de l'enfance.
    Un oiseau solitaire cherchait son envol à travers les branches du cèdre.
    Les cigales percutaient leurs cymbales et leurs sons éclatants emplissaient l'espace chaud de l'après-midi.
    A tes côtés, je crois bien que j'ai rêvé.



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  • L'écrivain, infirme de l'âme, pose son crayon sur les chemins blancs des pages, tel l'aveugle pose son bâton sur les chemins de terre.


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    Tour de France

     

    Marignier, le 20 juillet 1969

    « Pépé on est tous allé à Thonon mercredi pour voir passer le tour. La cousine Lisette a donné une gifle à Yvon parce qu'il faisait l'idiot avec le Maurice et ils ont failli se faire écraser par les coureurs. Moi, j'ai été très sage. Tonton Fanfan m'a porté sur ses épaules. Mais pas assez longtemps il avait trop chaud, il n'arrêtait pas d'essuyer son front sous sa casquette. Tata Solange avait mis sa belle robe blanche à fleurs rouges, celle où l'on voit ses nichons tout blancs. Pourquoi pépé, y faut pas dire nichons ? Momo et Yvon y z'arrêtent pas de dire nichons. Lisette elle riait chaque fois qu'elle voyait un garçon de son école et elle remontait tout le temps les bretelles de son corsage, comme ça. Bon on est arrivé à onze heures devant l'église, mais il y avait tellement de monde que tonton Fanfan a garé la traction devant le bistrot du fils Rignol. On n'a même pas bu boire un sirop, toutes les tables étaient prises et au comptoir c'était noir de monde; heureusement tatan Solange avait pensé au thermos, le grand avec le bouchon gris qui sert de verre à boire. Finalement tatan Solange a pu s'asseoir à coté du curé sur une chaise qu'il avait préparé pour elle ; il est gentil le curé mais des fois je trouve qu'il regarde trop les nichons de tatan Solange. Non pépé, j'ai pas dit nichon. Moi, je me suis assis par terre et on a attendu; j'ai mangé un sandwich au jambon et des tartines de vache-qui-rit pour patienter a dit tatan. Il y avait du monde partout sur les murs, de tous les cotés, sur les trottoirs. Les gendarmes nous empêchaient d'aller sur la route. Y a que Gaston, le garde champêtre, qui avait le droit. Quand il m'a vu, il m'a pris sur ses épaules, ouais comme ça et il m'a emmené tout droit où on voyait le mieux ; donc là sur l'échelle de Gaston on a attendu. Les autres copains devaient pas monter, Gaston ne voulait pas ; y avait que moi qu'avais le droit. Tu sais pépé, Gaston m'aime bien parce que je l'aide toujours à couper les herbes dans les fossés après l'école. Bon, tout à coup, tout le monde a crié. Les gendarmes ont fait reculer tous ceux qui voulaient passer les barrières ;j'ai entendu applaudir, il y a eu plein de voitures avec des banderoles, des mégaphones qui criaient plein de trucs. Mais je comprenais rien du tout. Et puis ça y est, ils sont tous passés : d'abord Pingeon et juste derrière le cannibale en maillot jaune et Felice, pépé, il était là. Momo y préfère Merckx, mais moi je suis comme tonton, je préfère Poulidor. Je l'ai vu en vrai pépé, je voulais lui lancer ma gourde, mais Gaston il a pas voulu. Si tu avais été là, tu aurais cogné sur la tête du cannibale avec ta canne pour laisser passer Poulidor. Dis pépé, qu'est-ce que tu fais toute la journée à l'hôpital ? Tu regardes la lune, pourquoi tu regardes la lune, dis pépé ? »

    C'est la dernière fois que j'ai vu mon grand-père, à l'hôpital après son opération de la gorge. Maintenant, c'est dans mes rêves que je le vois et il crie toujours: "Allez Poulidor !". Dans mes rêves mon grand-père a retrouvé sa voix et cela me rend à la fois heureux et triste de le retrouver si vivant.
     

     


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  • C'est l'éditeur qui fait la littérature...

    J'ai frissonné en lisant mon journal. L'orage tournait au-dessus des boulevards. J'ai regardé le ciel, il s'assombrissait.

    Un boson venait de se poser sur les écrans. J'ai essuyé mes cernes bleues, une larme glissait.

     



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